Des années 80 à l’apiculture d’aujourd’hui
Le tournant des années 80
Jusqu’au milieu des années 80, il était possible de pratiquer une apiculture naturelle « à l’ancienne », sans aucun traitement ni manipulation technologique.
L’arrivée du varroa a bouleversé la donne.
Cet acarien, parasite de l’abeille, vivait à l’état endémique en Asie du sud-est sur une race d’abeilles locale, Apis cerana, qui avait réussi à survivre en s’adaptant au parasite.
La mondialisation des échanges a été la cause de l’introduction en Europe de varroa puis de sa dissémination sur la presque totalité de la planète.
Notre abeille Apis mellifera, totalement inadaptée à ce nouvel hôte était décimée en moins de deux ans.
Les pesticides chimiques ont été la seule parade
possible pendant les premières années avec des traitements obligatoires même en bio.
L’éradication du parasite étant impossible, il a fallu vivre avec. Les traitements sont toujours de vigueur et indispensables. L’apiculture biologique réussi à contourner le problème des pesticides de synthèse avec l’utilisation de molécules simples comme le thymol ou l’utilisation d’acide oxalique, formique, lactique, etc…
La pression du varroa, bien que largement réduite par les traitements, reste omniprésente et induit une fragilisation de l’abeille qui devient d’autant plus sensible à son environnement.
La généralisation, en agriculture, de l’utilisation des néonicotinoïdes dans les années 90, puis des traitements systémiques des semences ont achevé d’assombrir la toile de fond de l’apiculture.
Les dégâts de l’agrochimie
Chaque région possède une végétation et une flore spécifique, qui permettent des miellées différentes au cour de la saison apicole.
Plus la pression agricole intensive est forte, plus la biodiversité en est réduite et plus les abeilles ont de difficultés à trouver une nourriture variée et équilibrée abondante.
De plus, malgré le développement de l’agriculture biologique, 95 % des surfaces agricoles utilisées sont encore cultivées selon les principes de l’agrochimie industrielle qui a donc recourt à différents pesticides destinés à tuer la flore, les champignons ou les insectes considérés comme nuisibles à la culture mise en place. Selon les différents types culturaux, ces épandages de poisons sont plus ou moins importants et dangereux pour les abeilles.
Les zones d’élevage sont souvent considérées comme les moins polluées car les prairies reçoivent généralement peu de pesticides. Mais la plupart des élevages sont aujourd’hui industrialisés et il reste peu de prairies naturelles à la végétation spontanée. Les prairies sont très souvent cultivées avec une ou deux variétés de plantes fourragères seulement et reçoivent régulièrement des engrais chimiques ainsi que des désherbants à chaque nouvelle implantation.
Les animaux sont également traités systématiquement avec des vermifuges chimiques dont les résidus se retrouvent dans leurs déjections et donc épandus sur les sols. L’usage de la deltamethrine (insecticide neurotoxique) est encore généralisé directement sur les animaux pour lutter contre les parasites externes. La désinsectisation a été généralisée pendant plusieurs années sur les ruminants, les locaux d’élevages et les tas de fumier pour tenter d’éradiquer un moucheron vecteur de la FCO (Fièvre Catarrhale Ovine). Ces traitements insecticides semblent être la cause de l’hécatombe récente et sans précédent des abeilles en zone d’élevage. Sans parler des antibiotiques dont sont encore gavés la plupart des élevages bovins laitiers, porcins et avicoles….
Environ 30 à 60 % des surfaces agricoles en zone d’élevage sont consacrées à la culture des céréales servant à nourrir le bétail. Ces surfaces s’ajoutent aux immenses étendues céréalières qui sont devenues de véritables déserts apicoles.
On comprend la situation alarmante de l’apiculture avec des pertes de cheptel sans précédent et une baisse de production importante.
Les techniques de survie
Actuellement, une ruche laissée sans soin meurt le plus souvent en moins de 2 ans. Les reines, qui vivaient autrefois 5 ans, ne résistent souvent même pas une année.
C’est en 2008 qu’est arrivée pour nous la fin de l’apiculture traditionnelle. La mortalité, déjà élevée depuis 25 ans (15 % environ), est passée à plus de 50 %, rendant totalement impossible la poursuite d’une technique simple et naturelle.
L’apiculture réussit à survivre cependant, mais au pris d’un travail considérable et de l’adaptation d’une technologie de plus en plus complexe.
Élevage de reines et nourrissement sont devenu incontournables dans la conduite du cheptel.
Il s’agit d’avoir le plus longtemps possible sur l’année un stock de
reines jeunes prêtes à être introduites en remplacement des reines défaillantes. Il faut compter au moins autant de reines que le nombre de ruches de l’exploitation, c’est à dire que chaque essaim doit avoir une reine de secours, disponible à tous moments en fonction des contrôles sanitaires effectués le plus souvent possible en fonction de la météo. Sitôt qu’une faiblesse est constatée sur une colonie, la vieille reine est supprimée et une jeune est introduite.
Ces opérations sont extrêmement coûteuses en temps, en argent et en énergie.
Pour maintenir nos 200 ruches, il nous suffisait du cinquième du temps de travail d’une personne sur l’année. Il faut prévoir désormais un plein temps.
L’élevage des reines et la préparation des essaims demande une stimulation quasi permanente que ne permet pas les floraisons naturelles qui ne sont réparties que sur 3 à 4 mois de l ‘année. Il faut donc pratiquer de manière régulière le nourrissement des essaims. Celui-ci devrait, de toute évidence, se faire au miel bio, comme recommandé dans les cahiers des charges Nature et Progrès. L’hécatombe actuelle et les pertes de production induites rendent malheureusement cette pratique quasiment impossible car inconciliable avec la survie de la profession. Le nourrissement se fait donc soit avec du miel non bio, soit le plus souvent avec des sirops de sucre certifié bio.